Histoire du genièvre

Le Français produit du cognac, l’Écossais du whisky, l’Allemand du schnaps et le Russe de la vodka. Et nous? Nous produisons le genièvre. Depuis plus de 500 ans déjà.

Le genièvre, une histoire épatante

Un médicament riche

Médicinal

Autrefois, le distillat ‘aqua vitae’ ou ‘eau-de-vie’ était utilisé comme remède pour les maux les plus divergents. Cette eau était administrée par gouttes. Les propriétés médicinales augmentaient en y macérant diverses baies, semences et épices.

On attribue également des propriétés médicinales aux baies de genièvre. Ainsi, des bains d’eau de pluie dans lesquels ont été cuites des baies de genièvre sont conseillés contre les maladies de la peau et les affections intestinales. La fumée de baies de genièvre et de bois de genévrier désinfectait les espaces dans lesquels étaient mis les pestiférés.


Euphorisant

L’eau-de-vie n’a pas uniquement des propriétés médicinales, elle faisait également oublier la tristesse humaine et rendait les gens gais, forts et courageux. Un siècle plus tard, ce médicament aux propriétés engendrant l'euphorie devint un remontant qu'on appelle eau-de-vie. Celle-ci ne se buvait plus par gouttes mais à la ‘goutte’.


Un petit verre de vieux genièvre

Au départ, les gens simples ne distillaient que de la bière et de l’hydromel. Presque chaque ménage possédait un petit alambic. À la fin du 16e siècle, l’eau-de-vie de blé devint tellement populaire, au point de ne plus distiller de la bière plate mais une trempe fermentée de grain d’orge, de seigle et de malt. Parfois, cette eau-de-vie de blé était aromatisée de baies de genièvre, d’anis, de carvi ou de fenouil. On opta pour les baies de genièvre; la présence de celui-ci dans nos régions et la foi profonde dans les forces médicinales jouèrent certes un rôle important.

 

Pours et contres au cours des 17e et 18e siècles

Interdiction de distiller

En 1601, les archiducs Albert et Isabelle publièrent un avis interdisant la production et la vente de l’eau-de-vie distillée du grain, des fruits et des légumes aux Pays-Bas du Sud. Les autorités se faisaient du souci concernant la consommation excessive d’eau-de-vie et étaient d’avis que les graines servaient à faire du pain et non pas à distiller de l’eau-de-vie de blé.


Hasselt en réchappa

À Hasselt, qui appartenait jusqu’en 1795 à la Principauté de Liège et non pas aux Pays-Bas du Sud, on permettait de poursuivre la distillation de l’eau-de-vie et du genièvre. La production de genièvre à Hasselt connut véritablement son essor pendant l’occupation par une garnison hollandaise au cours de la période 1675-1681. Le fait que le genièvre hasseltois soit aromatisé, plus que tout autre genièvre dans notre pays, de toutes sortes d’épices, de baies et de graines est peut-être dû à cette influence hollandaise.


La distillation à nouveau autorisée

La distillation d’eau-de-vie fut à nouveau autorisée, voire stimulée, sous l’occupation autrichienne (1713-1794) – sauf en cas de pénurie de grain. Les autorités n’étaient pas tellement intéressées par l’eau-de-vie, mais plutôt par la drêche. Ce résidu non-volatil de la distillation s’utilisait en effet comme menu hivernal du bétail.

 

Des chiffres inédits au 19e siècle

La révolution industrielle

Au 19e siècle, la production de genièvre belge atteignit des chiffres inédits. Les distillateurs belges participèrent activement à la première révolution industrielle. Ils parvinrent à des augmentations du rendement considérables en introduisant les générateurs à vapeur et des machines à vapeur et grâce à l’utilisation de la colonne de distillation, inventée par Cellier-Blumenthal. Ces inventions ouvrirent la porte à une distillation continue.


Production à grande échelle

On utilisait des matières premières nouvelles et meilleur marché telles que les betteraves sucrières, les pommes de terre, le maïs et les topinambours. Au cours du dernier quart du 19e siècle, des usines de fermentation et d'alcool furent créées dans les grandes villes, produisant à grande échelle de l'alcool neutre et bon marché.


Consommation excessive

Le genièvre bon marché entraîna une consommation excessive. Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, on enregistra en Belgique une consommation de pas moins de 9,5 litres de genièvre (à 50% vol.) par habitant, par an! Les autorités intervinrent sous la pression des sociétés de tempérance. Les distilleries agricoles perdirent leur régime d’accises favorable et durent payer des droits d’accises plus élevés comme les distilleries industrielles.

 

Déchéance au 20e siècle

Disparition des distilleries agricoles

La concurrence de l’alcool industriel bon marché ainsi que l’augmentation du droit d’accises avaient fortement désavantagé les distillateurs agricoles. Ils tâchèrent de gagner leur vie en vendant du bétail et du fumier. Bon nombre de distilleries agricoles fermèrent leurs portes, suite à l’apparition de l’engrais artificiel et à la concurrence des agriculteurs qui se centraient de plus en plus sur l’élevage. Certains distillateurs restèrent dans la branche et devinrent liquoristes: ils achetaient de l’alcool avec lequel ils préparaient du genièvre et des liqueurs.


La loi Vandervelde

Pendant la première guerre mondiale, les occupants allemands prirent possession des appareils de distillation en cuivre et les utilisèrent pour produire des munitions. Après la guerre, de nombreux distillateurs se virent obligés de fermer leurs portes.
Pour comble de malheur, la loi Vandervelde publiée en 1919 interdisait le débit de spiritueux dans des endroits publics et permettait uniquement la vente de spiritueux à la seule condition d’acheter minimum deux litres de genièvre en une seule fois. Pour les ouvriers, cette boisson devint impayable et la vente du genièvre s’écroula, ce qui mena à une lente diminution de la consommation de genièvre.


Grand intérêt

Au cours des dernières décennies, le genièvre suscita une vive sollicitude grâce aux genièvres à base de fruits et à l'intérêt de plus en plus prononcé pour les produits régionaux. De plus, les cafés, les routes de genièvre, le Musée du Genièvre et la série télévisée ‘l'Empereur du goût’ ont joué un rôle stimulant.